de Linoute » Ven 22 Déc 2017 22:47
Ce texte me semble indispensable pour comprendre le prochain. A la demande générale de MCM, je continue donc à vous transmettre mes bêtises d'écriture.
Pour mieux comprendre, Mr Maurice, c'est mon mari.
Le gros vilain navion...
"Août 2015. Mon-Mr-Maurice et moi préparons nos bagages pour rejoindre le Continent. Le fameux Continent planté en face de la Corse. Celui qui, avec ses mains sur les hanches et son sourire narquois, nous rappelle effrontément que pour le rejoindre, cela va nous coûter la peau des fesses. Soit. Quand faut y aller, faut y aller !...
Après une étude raisonnée, nous convenons d’un voyage en avion puis de la location d’une voiture. Jusque-là, tout va bien. Sauf que… Si l’étude est raisonnée et que nous allons nous y tenir sagement, nous sommes angoissés dès que nous mettons un pied dans un avion.
Inexorablement, le jour J arrive. Je regarde tristement notre sac de voyage s’éloigner sur le tapis roulant à l’enregistrement. Qui va le récupérer si nous ne revenons jamais ? Finalement, le retrouvera-t-on ? Disparaîtra-t-il avec nous ?
En salle d’embarquement, nous éteignons tristement nos téléphones. J’aurais peut-être dû envoyer un dernier SMS à mon fils pour qu’il ait un souvenir récent de sa mère. Zut, c’est trop tard, on nous appelle pour embarquer.
Nous traversons le tarmac et nous dirigeons vers l’avion. Ils ravitaillent l’appareil en carburant. Au passage, nous apercevons, dans le cockpit, le pilote genre coq-pitre. Il me parait bien jeune… Un ado ? Lunettes de soleil Rayban, visage agréable, il est au téléphone et se marre sans retenue. Non mais, sans rire, ce n’est pas ce gamin qui va nous conduire ???!!!! C’est un enfant probablement en conduite accompagnée ! Bon, ok, j’exagère un peu…
Avant d’amorcer la montée de l’escalier, je jette un œil scrutateur sur l’avion. Il a ses deux ailes, les pneus sont gonflés et à première vue, il ne manque pas de boulons. Au moins ça. Je me demande cependant de quand date la dernière révision.
Deux hôtesses au rouge à lèvres écarlate (seraient-elles ainsi plus faciles à repérer si nous chutons en pleine mer ?) nous accueillent en souriant. Bonjour Madame. Bonjour Monsieur. Mon-Mr-Maurice trouve qu’elles sentent bon et que leur jupe « près du corps » leur va bien. Je les trouve moches et vulgaires.
Nous prenons nos places. Mon-Mr-Maurice près du hublot, moi à côté (je ne veux pas regarder l’aile de l’avion pendant le vol et surtout pas nous voir tomber. Mon côté autruche.).
Je jubile cependant l’espace de 3 secondes en attachant ma ceinture. Je suis obligée de la resserrer. Moment rare…
Je vérifie le contenu de la petite pochette en face de moi : le journal de la compagnie, le petit sac à vomir, les consignes de sécurité. Tout y est.
Tout en relisant les consignes de sécurité et notamment le passage à propos du gilet de sauvetage, nous glissons de concert une main sous nos sièges.
Tu l’as trouvé ?
Non, et toi ?
Non plus…
…
Nous n’avons pas le temps de nous interroger davantage, on nous annonce le décollage. J’attrape à pleines mains crispées les deux accoudoirs et je lève les pieds. Oui, je lève les pieds. Je n’ai jamais posé les pieds sur le sol d’un avion en vol. Poser les pieds sur un sol qui ne repose sur rien est pour moi inconcevable. Je les cale donc sur la petite barre sous le siège.
Les hôtesses font leur numéro habituel. Personne ne les regarde. Elles nous rappellent qu’en cas de problème, nous devrons suivre les consignes de l’équipage. De toute façon, quand un avion se crashe, les hôtesses s’écrasent avec les passagers.
Les hôtesses s’harnachent à leur tour sur leur fauteuil dédié et nous décollons. Scotchée au dossier, les yeux fermés, les pieds ne touchant pas le sol, les articulations des mains blanchies par la contraction, je suis résignée. Je me dis que j’ai bien vécu, que c’est un peu jeune pour mourir mais que, ma foi, c’est mon destin. Je pense à ceux que j’aime. Mon-Mr-Maurice tente de faire bonne figure mais il reste malgré tout figé. Il m’embrasse en me disant que c’est peut-être la dernière fois. Tout va bien…
L’avion traverse des turbulences. Que fait donc le pilote ? Toujours au téléphone ?! Et le copilote, comment va-t-il dans sa vie ? Heureux ? Pas de souci particulier ? Il prend des médicaments ? Il a passé une visite médicale récente ?
J’observe les hôtesses et étudie leurs réactions avec soin. Elles ne semblent pas inquiètes. Elles passent avec leur chariot et les boissons habituelles. J’ai envie de faire pipi. Vu qu’il est impossible d’aller aux toilettes sans toucher le sol, je renonce. De toute façon, me souvenant des toilettes dans les anciens trains avec la voie que l’on voit défiler par le trou, je n’y serais pas allée. Si c’est la même chose dans un avion…
Soudain, c’est le drame. On entend la voix du pilote qui nous annonce froidement :
Il n’y a plus d’essence !
Mon sang ne fait qu’un tour. Ca y’est, le moment de la dernière heure est arrivé (voire dernière minute car il ne nous dit pas si le réservoir est totalement vide ou si il reste un ou deux litres). Adieu. Je me raidis et atterrée, je demande d’une voix nouée à Mon-Mr-Maurice :
Tu as entendu ce que vient de dire le pilote ?!
Oui, et alors ?
Il n’y a plus d’essence !
Mais non… Il a dit « Début de descente »…
Je ne dis plus rien. Je me sens ridicule. J’en rirai plus tard si Air Corsica me prête vie mais pour l’instant, j’opte pour le silence.
Enfin, la voix du pilote retentit à nouveau :
Atterrissage dans quelques minutes. La température à Paris est de 28° C.
Lorsque le train d’atterrissage s’ouvre et qu’enfin les roues touchent la piste, j’ai envie d’applaudir mais comme personne ne le fait, je me ravise. Je repose sur le sol mes pieds engourdis par une heure et demie de barre fixe.
Nous sommes sauvés. Par contre, nous devrons prendre un vol retour… Je sors de cet avion en pensant déjà au moment où je rentrerai dans le suivant…
C’est grave docteur ?"
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Linoute le Sam 23 Déc 2017 08:51, édité 1 fois.
"S'il est vrai que 2 et 2 font de leur mieux pour faire 4, il est non moins vrai que 18 et 20 font tout ce qu'ils peuvent pour ne pas faire 37,99." (Pierre Dac)